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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

libre volonté ? Et, par suite, dans quelle mesure est-il responsable de ses actes ?

Si la logique était ce qui règle les choses de l’âme, il semble que la vie et le caractère de Vauvenargues, son amour de l’action, sa passion de la gloire, son ardeur dans la lutte contre la destinée, soient une réponse péremptoire à ces graves interrogations et proclament en lui un partisan convaincu de la liberté morale. Loin de là, sa foi au déterminisme est absolue. Regardez, dit-il, l’aiguille qui marque les heures sur une pendule : se meut-elle comme il lui plaît sur le cadran ? — Non, des ressorts cachés la poussent et, minute par minute, seconde par seconde, règlent sa marche. Ainsi de notre âme. Des ressorts mystérieux et puissants agissent sur elle ; nous les appelons instincts, appétits, désirs, habitudes, passions, rêves ; — souvent même nous ne pouvons les nommer, tant ils sont déliés, ténus, enfouis au fond de notre être. Mais, quels qu’ils soient, l’âme asservie leur cède toujours. Quand elle se croit arbitre de ses actes, elle se trompe, et « la volonté n’est qu’un désir qui n’est pas combattu ».

Spinoza avait déjà dit que « les hommes s’imaginent être libres parce qu’ils ont conscience de leurs actions sans avoir conscience des causes qui les déterminent ». Vauvenargues, qui n’avait lu ni l’Éthique ni les Lettres à Oldenburg, exprime la