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VAUVENARGUES.

même idée : « Ce qui dérobe à l’esprit le mobile de ses actions n’est que leur vitesse infinie. Nos pensées meurent au moment où leurs effets se font connaître ; lorsque l’action commence, le principe est évanoui ; la volonté paraît, le sentiment n’est plus ; on ne le trouve plus en soi, et l’on doute qu’il y ait été. »

Si le monde moral n’est pas celui de la liberté, quel est-il donc ? La généreuse nature de Vauvenargues lui inspira, dans ces recherches, une solution originale et profonde. Il existe en nous, pensait-il, un sens intime et délicat, révélateur merveilleux du beau et du bien, le cœur. La subordination absolue de la raison au sentiment, du mouvement réfléchi au mouvement naturel devint ainsi le principe de sa théorie morale ; et la célèbre maxime, « les grandes pensées viennent du cœur », en fut la plus vive expression.

Ce que Vauvenargues entendait par « le sentiment », c’était une faculté spontanée avant ses perceptions propres comme un organisme indépendant, tout à fait différente de la conscience, dont J.-J. Rousseau va bientôt faire un instinct d’un caractère spécial, « un instinct divin », le juge infaillible de nos actions, « le vrai guide de l’âme ». La conscience, en effet, raisonne encore ; elle comporte une approbation ou une réprobation intérieure. Rien de pareil dans les mouvements du