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VAUVENARGUES.

Vauvenargues, qui n’a plus la foi religieuse, affirme sans réserve la supériorité de la méthode intuitive sur les procédés de la réflexion artificielle. Certes, une distinction est ici nécessaire : dans les sciences mathématiques, où les principes sont toujours simples, absolus, dégagés de toute réalité, les formules exactes sont d’incomparables instruments de découverte ; mais, dans les autres sciences, la vérité est chose si fugitive, elle réside parfois dans des nuances si délicates, qu’il est bien rarement donné à la pure logique de l’atteindre. L’instinct si pénétrant de Vauvenargues saisit cette idée avec une finesse remarquable. « Toutes nos démonstrations, s’écrie-t-il dans un bel élan, ne tendent qu’à nous faire connaître les choses avec la même évidence que nous les connaissons par sentiment. Connaître par sentiment est donc le plus haut degré de connaissance[1]. »

Mais, pour pratiquer ces voies mystérieuses du cœur, pour « s’éclairer dans ces routes obscures », une disposition particulière de l’âme est nécessaire. Ce n’est pas l’ambition superbe et inquiète, c’est l’amour au sens le plus pur et le plus mystique du mot ; ce n’est pas la passion orgueilleuse de la science, c’est « le tendre sentiment » de la vérité.

Une esthétique nouvelle, l’esthétique du vrai,

  1. Réflexions sur divers sujets, § 54.