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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

était en germe dans cette théorie ; car c’est un fait curieux que les effets du beau sur la sensibilité aient été observés de si bonne heure par les philosophes, et qu’il ait fallu tant de siècles à l’esprit humain pour s’apercevoir que, dès que le vrai entre dans l’âme, il l’anime et l’éclairé aussi comme un rayon divin, que l’émotion fugitive qui naît alors au fond de l’être peut également se fixer dans une forme précise et durable, et que la science a ses grands inspirés comme l’art et la poésie.

Quel regret que le temps ait manqué à Vauvenargues pour développer ses idées dans cet ordre ! Notre école philosophique aurait eu ainsi l’honneur du beau mouvement de pensée que Jacobi allait bientôt créer en Allemagne et qui devait y passionner les plus grands esprits. Sans doute, Vauvenargues n’était pas doué de l’imagination spéculative à un degré assez éminent pour porter la question aussi haut dans les régions métaphysiques. Mais il eût plaidé avec autant de force et de hardiesse la cause de la conscience naturelle, et peut-être eût-il découvert dans ces matières subtiles des nuances plus fines et plus délicates.

Une application heureuse de ces principes fut d’introduire dans la critique littéraire un élément qui n’y avait pas encore figuré et dont l’exclusion absolue la condamnait à être toujours sèche et étroite, mais dont on a fait de notre temps un sin-