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VAUVENARGUES.

inspire au plus doux des Jansénistes de si terrifiantes images, jusqu’à l’admirable sermon de Bourdaloue sur le texte : Memento quia pulvis es, partout la même note s’était fait entendre, le même avertissement, pressant, répété, impitoyable.

À ce concert imposant des voix de l’Église, Vauvenargues répond par cette parole audacieuse : « La pensée de la mort nous trompe, car elle nous fait oublier de vivre ; il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir », affirmant ainsi cette vérité, trop méconnue avant lui, que les choses d’ici-bas ont leur valeur morale, que la poursuite d’un objet temporel n’est pas nécessairement vaine et vulgaire, et que la vie profane peut recevoir aussi le caractère sérieux et, dans un certain sens, sacré dont l’ascétisme chrétien avait fait jusqu’alors le privilège de la seule vie religieuse.

Parmi les idées de Port-Royal il en était une encore que Vauvenargues ne se lassait pas de réfuter, celle des contradictions de la nature humaine. On sait avec quelle force, avec quelle éloquence, Pascal l’avait exposée dans ses Pensées. « Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur, gloire et rebut de l’univers…. S’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante, et le