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VAUVENARGUES.

naissance qu’il contractait ainsi envers ce noble esprit, Vauvenargues l’a généreusement acquittée. Dans un magnifique langage il a restitué à Pascal la place éminente dont Voltaire et les écrivains de son temps l’avaient écarté. Il a réclamé leur admiration pour les grandes et pathétiques images dont l’auteur des Pensées a semé son œuvre, pour « cette brièveté pleine de lumière, qui n’appartient qu’à lui », pour « cette vigueur de génie par laquelle on rapproche les objets et on résume un discours », enfin pour les puissantes qualités de dialectique qui faisaient de Pascal « l’homme de la terre qui savait mettre la vérité dans le plus beau jour et raisonner avec le plus de force[1] ».

À Bossuet , Vauvenargues doit fort peu pour le fond de la pensée et beaucoup pour l’expression. La « divine éloquence » des Oraisons funèbres le transportait. Ces grandes compositions étaient pour lui le modèle même de l’art d’écrire ; car (c’est

  1. Dans son ardeur contre Pascal, Voltaire, le comparant à Vauvenargues, a pu dire de celui-ci : « C’était génie peut-être aussi rare que Pascal même ; aimant comme lui la vérité, la cherchant avec autant de bonne foi, aussi éloquent que lui, mais d’une éloquence aussi insinuante que celle de Pascal était ardente et impérieuse. Je crois que les pensées de ce jeune militaire philosophe seraient aussi utiles à un homme du monde fait pour la société, que celles du héros de Port-Royal peuvent l’être à un solitaire qui ne cherche que de nouvelles raisons de haïr et de mépriser le genre humain. » (Note aux Réflexions sur dirers sujets.)