Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
VAUVENARGUES.

années du xviiie siècle ; et, pour y avoir échoué, son mérite n’en est pas diminué. Quarante ans après Vauvenargues, l’injustice qu’il aura tenté de réparer poursuivra encore l’auteur des Caractères, et l’on pourra lire, dans un recueil littéraire de l’époque[1], ces lignes : « Le marquis de Vauvenargues est presque le seul de tous ceux qui ont parlé de La Bruyère qui ait bien senti ce talent vraiment grand et original. Mais Vauvenargues lui-même n’a pas l’estime et l’autorité qui devraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage étendue d’esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu, de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Voltaire ; il n’a pu faire ni la réputation de La Bruyère ni la sienne. » Voltaire même a dû à Vauvenargues de comprendre et de goûter La Bruyère, puisque dans le Temple du goût (qui parut en 1732) il n’est fait nulle allusion aux Caractères et que le Siècle de Louis XIV (qui est de 1752 : porte ce jugement élogieux, encore qu’un peu sommaire : « On peut compter parmi les productions d’un genre unique les Caractères de La Bruyère. Un style rapide, concis, nerveux, des expressions pittoresques, un usage tout nouveau de la langue, mais qui n’en blesse pas les règles, frappèrent le public, et les allusions qu’on y trou-

  1. L’Esprit des journaux, février 1782.