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SA PART DANS L ŒUVRE DU XVIIIe siècle

pose pour la société du Temple des épigrammes obscènes ; Voltaire se repose de ses tragédies et de ses premiers écrits philosophiques en publiant des contes licencieux et en travaillant avec amour à la Pucelle ; Montesquieu débute par les Lettres persanes ; Duclos, Voisenon et Crébillon le fils, qui ont la faveur du public, ne pensent qu’à traiter avec esprit des sujets immoraux. Nulle dignité, nulle conviction.

C’est l’honneur de Vauvenargues d’avoir fait entendre, à ce moment, une voix grave et énergique, d’avoir proposé à ses contemporains un programme élevé de devoirs, de les avoir rappelés au respect des choses sérieuses, et de leur avoir enseigné ce que vaut la dignité de la vie. Il a été, à son époque, le seul représentant des âmes nobles, tendres, délicates, religieuses au sens le plus large du mot, l’interprète de cette élite obscure et timide qui était alors étouffée par la philosophie dominante et qui, sans lui, aurait été privée de voix expressive.

En dehors de la mission morale qu’il a ainsi remplie, Vauvenargues a eu le mérite d’apercevoir, l’un des premiers, les dangers que l’école littéraire de son temps faisait courir à la pensée française, et l’honneur de contribuer à la sauver en relevant la belle et saine tradition du xviie siècle.

Vers le temps où Vauvenargues commençait