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VAUVENARGUES.

sant dans le monde moral comme dans le monde physique, semble s’essayer avant de réaliser ses grandes créations.

Que de traits communs, en effet, soit dans le tempérament, soit dans les idées !

Et d’abord, mêmes facultés maîtresses : la sensibilité et l’imagination. Chez l’un comme chez l’autre, l’émotion offre au même degré le caractère de vivacité impérieuse et communicative ; car ce qui a manqué à Vauvenargues, ce qui a fait l’extraordinaire éloquence de Rousseau, c’est moins l’originalité ou la profondeur des sentiments que la rigueur de la logique, l’art de la controverse, et ce génie de l’abstraction qui crée les symboles et agit sur les âmes. Quant à l’imagination, on a vu par ce qui précède à quel point elle était puissante chez Vauvenargues, comme elle le portait rapidement aux chimères, comme elle le disposait à l’utopie. Mais ce qui le rapproche plus encore de Rousseau, c’est la forme romantique que cette faculté, aussitôt qu’elle s’éveillait, donnait à sa pensée. Il adorait la rêverie, « parce que, disait-il, l’âme agit beaucoup dans ce repos » ; il se laissait aller volontiers à la mélancolie ; et il songeait qu’il y aurait du charme à « se promener toute la nuit sur les ruines (de la Campagne romaine), à s’asseoir parmi les tombeaux et à interroger ces débris ». Enfin, dans un personnage de ses Caractères qui