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VAUVENARGUES PRÉCURSEUR DE ROUSSEAU.

n’est sans doute que lui-même, on trouve réunis déjà les principaux traits de l’état d’âme romantique, exagération de la sensibilité, besoin incessant d’émotions fortes et nouvelles, abus de l’analyse personnelle, habitude du dédoublement intime : « Hégésippe passe avec rapidité d’un sentiment violent dans son contraire, et ses passions s’épuisent par leur propre vivacité. Il est sujet à se repentir sans mesure de ce qu’il a désiré et exécuté sans modération ; prompt à s’enflammer, il ne peut subsister dans l’indifférence ; quand les choses lui manquent, son imagination ardente l’occupe en secret des objets que son cœur demande, et toutes ses visées sont extrêmes comme ses sentiments ; il estime peu ce qu’il ne désire ou n’admire point, et il regarde sans intérêt ce qu’il ne regarde pas avec passion. Il passe avec rapidité d’une idée à une autre, et il épuise en un instant le sentiment qui le domine ; mais personne n’entre avec plus de vérité dans le personnage que ses passions lui font jouer, et il est presque sincère dans ses artifices, parce qu’il sent, malgré lui, tout ce qu’il veut feindre[1] »

Si, maintenant, des facultés naturelles on passe aux idées acquises, comme la ressemblance se précise !

  1. Caractères, 24.