Aller au contenu

Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
VAUVENARGUES.

En morale, tous deux ont réhabilité l’homme, conçu la même notion du devoir, repoussé la doctrine de l’intérêt, fait appel à la passion et professé le culte de l’enthousiasme. Quatre ans avant Rousseau, les belles pages du Discours sur le caractère des différents siècles semblent déjà répondre à la fameuse question de l’Académie de Dijon : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». « Ce n’est pas la pure nature qui est barbare, s’écrie Vauvenargues, c’est tout ce qui s’éloigne trop de la belle nature et de la raison… Je sais que nous avons des connaissances que les anciens n’avaient pas : nous sommes meilleurs philosophes à bien des égards ; mais pour ce qui est des sentiments, j’avoue que je ne connais guère de peuple ancien qui nous cède. C’est de ce côté-là, je crois, qu’on peut bien dire qu’il est difficile aux hommes de s’élever au-dessus de l’instinct de la nature. Elle a fait nos âmes aussi grandes qu’elles peuvent le devenir, et la hauteur qu’elles empruntent de la réflexion est ordinairement d’autant plus fausse qu’elle est plus guindée. Tout ce qui ne dépend que de l’âme ne reçoit nul accroissement par les lumières de l’esprit, et, parce que le goût y tient essentiellement, je vois qu’on perfectionne en vain nos connaissances ; on instruit notre jugement, on n’élève point notre goût. Détrompons-nous donc de cette grande