Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
ANNÉES DE JEUNESSE.

fut transporté. L’antiquité se fit ainsi connaître à lui sous son aspect héroïque. Les vives couleurs et le charme pittoresque de l’historien des Hommes illustres captivaient son imagination ; la généreuse ardeur qui se dégage de ces grandes biographies se communiquait à son cœur. Un idéal de vie noble se révélait à lui ; il s’éprenait de cette société antique, si fortifiante pour les énergies individuelles, si favorable au déploiement de toutes les facultés de l’homme. Une lettre qu’il adressait dix ans plus tard à un ami nous a conservé le souvenir de la profonde impression que produisaient sur sa jeune âme les belles pages de Plutarque : « J’en étais fou, écrivait-il ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce, et même de celle de Rome. L’on ne mesure bien, d’ailleurs, la force et l’étendue de l’esprit et du cœur humains que dans ces siècles fortunés ; la liberté découvre, jusque dans l’excès du crime, la vraie grandeur de notre âme ; là, la force de la nature brille au sein de la corruption ; là, parait la vertu sans bornes, les plaisirs sans infamie, l’esprit sans affectation, la hauteur sans vanité, les vices sans bassesse et sans déguisement. Pour moi, je pleurais de joie lorsque je lisais ces Vies ; je ne passais point de nuit sans parler à Alcibiade, Agésilas et autres ; j’allais dans la place de Rome, pour haranguer avec les Grac-