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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/152

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VAUVENARGUES.

mier de son siècle, il a revendiqué les droits de l’âme et du cœur. Il a proclamé « la nécessité inviolable de l’aumône » et rappelé cette vérité évangélique, trop méconnue autour de lui, que « le pauvre a une âme comme nous, qu’il a même Dieu, même culte et même patrie ».

Et si l’on veut, par d’autres traits encore, rapprocher Vauvenargues de Rousseau, faut-il rappeler qu’en politique tous deux ont associé un vif instinct d’indépendance à un esprit généreux de réforme, et conçu le rêve d’un ordre social plus équitable et de mœurs plus douces ; — qu’en religion, l’un et l’autre, ayant perdu la foi, sont revenus au sentiment religieux par la souffrance et l’imagination ; — et qu’il n’est pas jusqu’aux idées littéraires, jusqu’au style enfin où leur sensibilité ne se soit traduite souvent par des formes semblables.

Une si étroite parenté intellectuelle et morale se complète et s’explique par la similitude des conditions dans lesquelles ces deux esprits se sont développés. Vauvenargues et Rousseau se sont formés, en effet, hors de toute éducation régulière. À la différence des autres écrivains du siècle, ils ne sont élèves ni de Port-Royal, ni des Jésuites, ni des Oratoriens ; ils ne sont sortis ni du collège Louis-le-Grand comme Voltaire, ni du collège d’Harcourt comme Diderot, ni du collège Mazarin