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VAUVENARGUES PRÉCURSEUR DE ROUSSEAU.

comme d’Alembert, ni du collège de Navarre comme Condillac. Ce n’est pas non plus un enseignement lent et méthodique, ce n’est pas l’étude des tristes grammaires de Regnier-Desmarais ou des froides histoires de Lebeau et de Crevier qui leur a appris à connaître l’antiquité : elle s’est révélée subitement à eux dans sa pure et vive lumière, le jour où un Plutarque tombé entre leurs mains enflamma leur imagination, et leur mit au cœur, avec le culte des grands hommes, le regret de la vie antique. Et plus tard encore, tandis que les jeunes écrivains de leur âge se lançaient dans le monde et s’y enivraient de faciles succès, la pauvreté les a tenus éloignés tous deux d’une société favorable sans doute à l’éclosion des esprits légers et brillants, mais absolument contraire à la production des grandes et fortes individualités. Ce n’est donc ni au milieu des livres (puisqu’il a suffi d’un seul livre, d’une seule étincelle pour allumer en eux le foyer intérieur qui illumina toute leur vie), ni au milieu des salons littéraires, que s’est formée leur âme, mais dans l’expérience précoce de la réalité, par la réflexion solitaire et le recueillement. Ainsi s’explique cette Maxime qu’on ne s’étonnerait point de lire dans les Confessions : « C’est dans notre propre esprit, et non dans les objets extérieurs, que nous apercevons la plupart des choses ; les sots ne connais-