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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/154

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VAUVENARGUES.

sent presque rien parce qu’ils sont vides, et que leur cœur est étroit ; mais les grandes âmes trouvent en elles-mêmes un grand nombre de choses extérieures ; elles n’ont besoin ni de lire, ni de voyager, ni d’écouter, ni de travailler pour découvrir les plus hautes vérités ; elles n’ont qu’à se replier sur elles-mêmes, et à feuilleter, si cela se peut dire, leurs propres pensées[1]. » C’est cette pratique de la vie intérieure qui est le secret de la commune originalité de Vauvenargues et de Rousseau ; de là, chez tous les deux, cette puissance des impressions personnelles, cette vivacité de l’émotion, cette hardiesse de la conscience, ce sérieux de la pensée.

C’est un grand dommage que Vauvenargues n’ait pas vécu seulement quelques années de plus, et connu Rousseau. Le véritable maître et ami qu’il lui fallait, en effet, ce n’était pas Voltaire, c’était Jean-Jacques. Voilà celui dont l’influence eût été vraiment propice et féconde. Sous son inspiration, toutes les qualités en germe dans les Réflexions et Maximes se fussent épanouies, et celles qui s’y montrent déjà en fleur eussent porté fruit. Une frondaison luxuriante et des tiges robustes eussent apparu là où, faute d’un souffle vivifiant, n’ont poussé qu’un feuillage clairsemé et des rameaux un peu frêles.

  1. Réflexions et Maximes, 366.