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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/159

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VALEUR DE SON ŒUVRE.

l’observation, embrasse le monde moral dans toute son étendue et en voit les rapports avec le système entier de l’univers ; si Pascal, Nicole et Malebranche, si Spinoza et Kant ont mérité ce titre — les uns, parce que, croyant à l’identité de la vérité théologique et de la vérité philosophique, ils ont pu dire : « La religion, c’est la vraie philosophie[1] », les autres parce qu’ils ont déduit toute la morale d’une conception transcendante des idées éternelles et nécessaires, — Vauvenargues n’est pas un moraliste. Dans la hiérarchie des artisans de la pensée, sa place est d’un degré au-dessous : elle est au premier rang de cette famille d’esprits dont Montaigne, La Rochefoucauld et La Bruyère sont les plus illustres représentants et dont la brillante lignée s’étend jusqu’à Saint-Evremond, Duclos, Chamfort, Rivarol même, famille d’observateurs plutôt que de spéculatifs, excellemment propres à étudier l’homme tel qu’il se montre sous leurs yeux, à démasquer son visage, à pénétrer son cœur, capables encore de lui indiquer sinon des principes, du moins une conduite de vie, impuissants toutefois à considérer dans sa grandeur le problème de la destinée humaine et à en poursuivre la solution. Mais si on se rappelle que le peu qui nous reste de lui a été entièrement composé dans l’agitation de la

  1. Malebranche, Traité de morale.