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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/160

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VAUVENARGUES.

vie militaire ou dans les souffrances de la maladie, — si l’on s’abstient surtout de comparer cette première expression de sa pensée juvénile à l’œuvre mûrie et arrêtée des grands maîtres du xviie et du xviiie siècle, parce que ces puissants esprits ont donné toute leur mesure et parcouru toute leur carrière, tandis que lui n’a pu, faute de temps et d’espace, se déployer, — si l’on recherche dans ses écrits hâtifs moins les qualités de perfection que les gages de talent et même les promesses de génie, — si l’on se rappelle enfin qu’il a annoncé par des signes certains la venue prochaine de Rousseau, Vauvenargues prend alors sa juste valeur et reçoit sa véritable physionomie.

D’ailleurs, en dehors de ses écrits et de son influence immédiate sur ses contemporains, d’autres titres réclament encore en sa faveur et défendent sa mémoire contre l’oubli : ils sont consignés dans cette œuvre que chacun de nous laisse après soi, et qui, pour n’être pas condensée dans une forme d’art ou de littérature, n’en est pas moins réelle, effective et durable, œuvre souvent obscure et inconsciente où les plus illettrés et les plus humbles ont réalisé parfois des merveilles de grandeur et de délicatesse morales.

À une époque égoïste et vaine il a été le représentant de la vie sérieuse et désintéressée. Dans un temps superficiel et dépravé il a proclamé