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VIE MILITAIRE.

naissance nécessaire, et que les jouissances qu’elles procurent à qui les étudie dépassent infiniment tous les plaisirs du monde. Cette préoccupation morale, qui n’apparaît généralement que tard chez les esprits les plus réfléchis et qui est presque toujours le fruit d’une longue expérience, d’un long voyage à travers la vie pratique ou spéculative, était déjà tout éveillée chez Vauvenargues. Ce fut là vraiment sa faculté maîtresse : il l’appliquait à soi-même, à ses lectures, à ses amitiés, à ses relations de société, à la carrière qu’il avait choisie ; en tout, son regard allait droit au sens moral des choses avec une pénétration singulière.

La passion, c’était la gloire. Si l’idée morale vaut seule l’effort de penser, la gloire vaut seule la peine de vivre. Ici encore, son âme se révélait aussi précoce que son esprit ; car ce qu’il rêvait, c’était la gloire envisagée dans sa réalité la plus haute et non dans ses apparences vaines, dans ses résultats supérieurs et non dans les effets qui satisfont les vanités vulgaires. L’ambition qui l’animait était la plus noble de toutes et la plus élevée, sans rien de mesquin ni de frivole, fondée sur les instincts les plus généreux de la nature humaine, désintéressée même, si tant est qu’un pareil sentiment puisse être jamais pur de toute considération personnelle. « De souhaiter malgré soi, écrivait-il à un ami, un peu de domination parce qu’on se sent