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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/30

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VAUVENARGUES.

rité que les écrits rétrospectifs ne portent jamais : les souvenirs et mémoires rédigés sur le tard déforment fatalement le passé qu’ils évoquent. Quel que soit son parti pris de vérité, celui qui les compose cède toujours au secret désir (seule revanche qui lui soit permise contre la réalité) de corriger sa destinée : il est toujours tenté d’avancer la date où il a pris conscience de l’idéal vers lequel il a marché ensuite, de voir ses actes se dérouler d’après un plan qui n’était pas si prématurément conçu, et de mettre dans sa vie cette unité qu’on ne réalise jamais. Et quand il se soustrairait à ces causes d’altération, pourrait-il ne pas revoir ses premières années à travers le voile de celles qui se sont écoulées depuis ?

La correspondance de Vauvenargues avec le marquis de Mirabeau — ou plutôt ce qu’on en possède — commence en juillet 1737 pour s’arrêter au mois d’août 1740.

Les premières lettres du recueil nous donnent le ton des relations qui existaient entre les deux amis, singulier mélange de sérieux et de jeunesse, de gravité et de badinage, et marquent la différence des deux natures : l’une, celle de Mirabeau, égoïste, tumultueuse, exubérante, « un vrai brûlot », comme il le disait lui-même ; l’autre, celle de Vauvenargues, délicate, réservée, toute en dedans.