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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

Et d’abord, comme ils n’ont que vingt-deux ans, l’amour, pense-t-on, doit tenir une grande place dans leur correspondance. Ce sujet, traité avec forfanterie et sans pudeur dans les lettres de Mirabeau, reste toujours voilé dans celles de Vauvenargues. Et par là apparaît déjà l’opposition de leurs caractères. Voici, par exemple, la première lettre de Mirabeau.

« La confidence de mes amours et de mes plaisirs ne saurait tout au plus regarder que le passé. Je suis un demi-anachorète, à présent ; mais cela ne durera pas. Voilà pourtant une lettre que je reçois d’une ancienne maîtresse, qui m’avait assujetti aux malheurs de l’absence, sur laquelle j’avais pris mon parti, et que je n’ai pas approchée, depuis, de plus de 50 lieues :

« Je n’ose vous appeler, monsieur, de ces noms tendres qui nous servaient autrefois ; ils ne sont plus faits pour moi ; j’ai fait pour les perdre tout ce que je voudrais faire, à présent, pour les ravoir. J’aurais tort de ne pas connaître votre caractère, et qu’il n’y a plus de retour avec vous. Vous me l’avez dit assez souvent ; je n’y ai pas pensé quand il le fallait ; j’ai laissé prendre à mes étourderies la couleur des crimes ; n’en parlons plus. Vous n’étiez plus pour moi qu’un songe agréable, lorsque le bruit