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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

franc succès, qu’on l’a trouvée fort piquante et qu’on a deviné immédiatement quelle main l’avait écrite. « Mais, ajoute-t-il (et ici l’on sent que c’est lui qui parle seul), nous plaignîmes une pauvre fille qui a de l’esprit et qui vous aime. »

Les lettres suivantes de Mirabeau sont pleines encore de la confidence de ses passions toujours changeantes, où sa nature plus ardente que sensible, plus orgueilleuse qu’aimante, se donnait carrière, et où la volupté, qui allait faire le tourment de sa vie[1], prenait possession de tout son être. Vient-il, par exemple, de subir un échec dans un projet de mariage avec une des demoiselles de Nesle[2], il met une fatuité naïve, une désinvolture fort amusante à sauver au moins son amour-propre : non seulement, écrit-il à Vauvenargues, cette rupture lui est indifférente, mais elle va faire son succès dans le monde ; « mille gens penseront à moi, qui ne nie connaissaient point, et je serai accablé de propositions de toutes les espèces ». Est-ce, à quelque temps de là, une aventure où Mirabeau a été le jouet d’une coquette, voici comment, dans son dépit, il masque sa défaite et s’en

  1. « La volupté est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature. » (Lettre de Mirabeau à Vauvenargues, 15 août 1740.)
  2. On ne sait de laquelle des sœurs de Mailly-Nesle Mirabeau recherchait la main.