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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/41

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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

ce qu’on appelle la République des lettres. Si vous pouviez connaître combien de plaisirs différents nous procure une réputation établie dans ce genre ! » (24 avril 1739.)

Afin de le mieux persuader, il lui fait un tableau séduisant de la société littéraire de Paris, où des essais heureux au théâtre, en poésie, en économie politique lui avaient déjà valu quelques succès. Dans son enthousiasme et comme pour frapper l’imagination de son ami, il va jusqu’à lui laisser entendre qu’il n’est pas loin d’entrer à l’Académie française, en quoi vraiment, s’il était sincère, le jeune marquis s’en faisait un peu accroire.

Vauvenargues ne se rend pas encore ; il ne se laisse éblouir ni par les éloges de Mirabeau ni par la perspective des jouissances où celui-ci le convie. Il se défend de l’ambition littéraire par des raisons qui font honneur à sa conscience et à son goût, et dont quelques-unes n’ont pas cessé d’avoir leur prix. « Je n’ignore pas les avantages que donnent les bons commerces ; je les ai toujours fort souhaités, et je ne m’en cache point ; mais j’accorde moins que vous aux gens de lettres. Je commence à m’apercevoir que la plupart ne savent que ce que les autres ont pensé, qu’ils ne sentent point, qu’ils n’ont point d’âme, qu’ils ne jugent qu’en reflétant le goût du siècle ou les autorités ; car ils ne percent point la profondeur des choses ; ils n’ont