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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/43

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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

« Dieu ! quels hommes produit cette Provence ! » Et encore : « J’en sais plus que vous sur votre propre compte, si vous ne vous connaissez pas une grande étendue de génie ».

Vauvenargues, atteint cette fois, accuse sa blessure et demande grâce : « Vous ne sentez pas vos louanges, vous ne savez pas la force qu’elles ont, vous me perdez ! Épargnez-moi, je vous le demande à genoux. » (30 juin 1739.)

Pourquoi, après cet aveu, Vauvenargues ne se rend-il pas entièrement ? Quelles raisons le retiennent désormais dans l’armée, et que ne va-t-il aussitôt retrouver son ami à Paris pour se lancer avec lui dans la carrière des lettres ?

C’est d’abord que la profession militaire lui paraît encore la plus noble et la plus désirable (il venait d’être promu capitaine et pourvu d’une compagnie) ; c’est qu’à ses yeux « il n’y a pas de gloire achevée sans celle des armes », et que les grandes ligures des Condé, des Luxembourg, des Turenne et des Catinat flottent dans son imagination. C’est aussi que l’insuffisance de ses ressources interdit à Vauvenargues l’existence coûteuse d’un gentilhomme à Paris et le condamne à la médiocrité de la vie de garnison.

Sa famille ne possédait qu’une fortune modeste et ne pouvait lui servir qu’une faible pension. Et, comme le service du roi ne rapportait guère,