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VAUVENARGUES.

chancelante, il ne sait où trouver les deux mille livres nécessaires au voyage, et voici à quel expédient il est près de recourir pour se les procurer. « J’ai eu, écrit-il à Saint-Vincens, quelque pensée sur M. d’Oraison. Il est venu dans mon esprit qu’il a des filles, et que je pourrais m’engager à en épouser une, dans deux ans, avec une dot raisonnable, s’il voulait me prêter l’argent dont j’ai besoin, et que je ne le rendisse point, au bout du terme que je prends. Mais, comme il est impossible à un fils de famille de prendre des engagements de cette sorte, c’est une proposition à se faire berner, et très digne de risée. Il faudra oser cependant s’il n’y a point de milieu ; et, si l’on ne peut rien tirer de tout cela, nous nous tournerons ailleurs. » (Novembre 1740.)

Cet emprunt sous condition de mariage rappelle, comme on l’a remarqué, l’engagement fameux de Figaro donnant à demoiselle Marceline de Verte-Allure hypothèque sur sa personne. Mais, si piquante que soit la comparaison, il y aurait injustice à la prendre au sérieux, et cette lettre bizarre est moins déshonnête qu’elle le semble. Tout d’abord ce n’est ni la dissipation, ni la débauche, ni le jeu qui a conduit Vauvenargues à une situation d’où les plus fiers gentilshommes de son temps ne se tirèrent pas toujours aussi dignement que lui. Et puis, en dehors des considérations de