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VAUVENARGUES ET LE MARQUIS DE MIRABEAU.

santé qui ont bien leur prix, les raisons qui ont failli le déterminer à ce singulier projet ne sont nullement avilissantes ; l’intérêt auquel il obéit n’a rien que d’élevé : ce n’est pas pour satisfaire des goûts de luxe et de plaisir qu’il cherche de l’argent : c’est pour entrevoir de plus près et essayer de réaliser l’idéal de vie nouvelle où un secret instinct et les appels réitérés de Mirabeau le convient impérieusement. Enfin, à voir les choses de plus haut, ce qui absout Vauvenargues, ce qui interdit de le ranger dans la race des Gil Blas et des Figaros, c’est le sentiment qu’il a porté dans ces matières délicates. Gil Blas et Figaro n’ont vu dans la question d’argent, la faute d’argent, disait Panurge, leur ancêtre, qu’un sujet de duperie et de raillerie ; Vauvenargues en a souffert toute sa vie et jusqu’au fond de son âme. Si un jour, un instant, il a péché par pensée (non par action), il a bien racheté cette défaillance par la dignité de son existence entière, par le courage avec lequel il a enduré la pauvreté. Lorsque, quelques années plus tard, sentant sa fin approcher et faisant allusion à lui-même, il dépeindra, sous un nom fictif, l’homme de cœur victime de la destinée, il n’imaginera pas de pire malheur que de mourir endetté : « Quand, dit-il, la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ;