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mer et proclamer la pleine vérité qu’ils n’avaient qu’obscurément entrevue et timidement aimée. Et pourtant cette révélation, soudaine pour beaucoup, est depuis longtemps codifiée pour tous, dans les trente-six États de l’Union voisine.

Les églises libres, indépendantes, séparées de l’État, ne lui demandant rien en présence les unes des autres, sont les plus heureuses et deviennent des plus édifiantes, à raison de cette séparation d’avec l’État et de cette proximité entre rivales. Elles ont pour soutien leur savoir et, leurs vertus, elles n’en demandent pas d’autres. Elles ne manquent de rien de ce qu’elles jugent utile à la pompe du culte, à l’aisance convenable de tous leurs ministres, à leurs œuvres de bienfaisance et de charité. Se surveillant les unes les autres, elles sont éminemment morales, parce que l’éclat et la publicité puniraient chaque faute commise. Aucune faute n’y pouvant passer impunie, il n’y en aura que rarement. Où une église seule régnera, elle sera mal édifiante, elle élèvera des bûchers pour les hérésies, les schismes et les sorciers. Ses adversaires diront : « il faut bien qu’elle soit fausse, puisqu’elle est si cruelle », et ses amis diront : « il faut bien qu’elle soit divine, puisqu’elle se soutient malgré ces cruautés ».

Quand le droit à la libre pensée et à la libre expression de la pensée, religieuse, politique et scientifique, est aussi généralement proclamé qu’il l’est par les lois, les mœurs et la pratique des jours actuels, il ne peut plus être perdu. Les gens sensés ne devront plus le décrier.

D’autres actes parlementaires contre le Canada ont été des actes de rigueur, à la suite de troubles qui auraient été prévenus par une minime portion des concessions tardives qui leur ont été faites trop tard. Le mérite de ces concessions est mince et a peu de prix, parce qu’elles ne furent faites qu’après des exécutions qui furent des meurtres.

L’acte actuel a été infligé à des provinces qui étaient paisibles, où il n’y avait plus dans le moment d’animosités de races ni d’animosités religieuses à calmer. Là où personne n’était coupable, tous sont punis, puisqu’ils subissent une loi sur laquelle ils n’ont pas été consultés.

Voilà le grief commun.

Mais le grief exceptionnel, et le plus flétrissant entre toutes les autres misères et dégradations de l’état colonial, dans le passé et dans le présent, c’est le sort fait, par les meneurs canadiens en premier lieu, et par le parlement impérial en second lieu, à la Nouvelle-Écosse.

Le peuple de la Nouvelle-Écosse, représenté par le plus habile, et, quant à sa province, le plus irréprochable des hommes publics, en possession de la pleine confiance et du respect de ses concitoyens justement acquis, et de l’estime des ministres et des hommes les plus éminents du parlement anglais dans tous les partis, est devant eux. Il les prie d’écouter les vœux et les prières d’un peuple qu’ils doivent aimer, pour ses habitudes paisibles à l’intérieur, pour son attachement ininterrompu à la métropole, pour sa déférence constante à ses conseils, et il les assure que l’expression de répulsion contre les mesures préparées par des intrigues en Canada est l’expression vraie des sentiments de la majorité des électeurs de la Nouvelle-Écosse. Il eût pu dire : de leur sentiment unanime, tant est infime la portion qui, cédant à des considérations personnelles, ne députe au parlement de la Dominion, pour la province entière, qu’un seul homme, fait ministre salarié.

Quand le parlement confédéré a été réuni, le fait était devenu patent que nos frères de l’Acadie étaient unanimes à rejeter la confédération. L’on a justement laissé aux illibéraux officiels le rôle de dédaigner leurs vœux et leurs droits. C’est une répétition de leur rôle de tous les temps. Ils disent à eux comme à nous : « Vous vous croyez opprimés, soyez-le. Vous vous trompez, nous décidons pour vous et contre vous, comme l’Angleterre l’a décidé. Bon gré mal gré, vous nous êtes enchaînés, nous vous aimons et ne voulons pas divorcer. Nous sommes forts, vous êtes faibles, soyez soumis ! »

De fait, leurs droits ont été plus outrageusement violés encore que les nôtres. Tous les hommes libres, et qui méritent de l’être, se doivent un appui mutuel. Nous ne pouvons donc demeurer indifférents à l’oppression de nos frères des colonies maritimes, et tous les hommes vraiment libéraux et indépendants du Canada leur doivent aide et sympathie.

Ce nouveau plan gouvernemental révèle plus que les autres encore l’animosité violente de l’aristocratie contre les institutions électives. C’était à la suite de longues années d’efforts incessants que les conseils