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« Jamais la présente race de Canadiens français n’aura une soumission loyale pour un gouvernement anglais ; jamais la population anglaise ne supportera une chambre d’assemblée à majorité française. Les milices, principal moyen de défense de la province en cas de guerre, ne peuvent plus être appelées ; ce serait armer les ennemis du gouvernement. En 1832, le nombre des émigrants arrivant à Québec fut de 52,000 ; en 1838 de moins de 5,000. Les personnes attachées au gouvernement se croient si peu en sureté, qu’elles désertent leurs propriétés dans les campagnes pour se réfugier dans les villes. Nulle considération ne peut maîtriser plus longtemps chez les Canadiens un sentiment qui absorbe tous les autres, celui de leur haine contre les Anglais. Pour assouvir leur vengeance et jouir d’un moment de triomphe, ils sont prêts à se soumettre à quelque domination que ce soit, à aider à un ennemi quel qu’il soit. Leurs anciennes antipathies contre les Américains ont cessé. Une armée d’invasion peut compter sur l’entière coopération de toute la population française du Bas-Canada.

« D’un autre côté, toute mesure de clémence ou même de justice pour eux est regardée par la population anglaise avec jalousie : car ils savent qu’étant une minorité, le retour vers les principes constitutionnels les soumettrait à une majorité française, et je suis persuadé qu’ils ne le souffriraient pas paisiblement.

« Mais l’hostilité des races ne suffit pas pour faire connaître les causes de si grands maux, puisque l’on peut observer les mêmes résultats dans les provinces voisines. — Le Bas-Canada ou même les deux Canadas ne sont pas les seules dans nos colonies où soit engagée la lutte entre le pouvoir exécutif et les corps populaires. Dans le Haut-Canada, avant les dernières élections, les représentants étaient hostiles. Ce n’est que tout récemment que l’on parait avoir calmé les mécontentements les plus sérieux dans le Nouveau-Brunswick et l’île du Prince-Édouard ; le gouvernement est en minorité dans l’assemblée de la Nouvelle-Écosse et les dissentions ne sont pas moins violentes à Terre-Neuve que dans les Canadas. L’état naturel dans