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ŒIL POUR ŒIL

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pas été morcelé et qu’il a réussi à empêché la Boshvie de prendre une importance trop prépondérante dans les destinées de l’Uranie.

Dans le récit qui m’occupe, d’autres figures sont plus intimement nivelées. C’est à elles surtout que je veux attacher le plus d’importance. Avant de passer à un autre acte du drame, je veux présenter d’autres acteurs, des acteurs de premier plan.

La Borina est connue. Natalie Lowinska commence à l’être. Il reste Luther Howinstein et le maréchal Junot, ce soldat d’origine française et que le besoin et un goût morbide pour les aventures a entraîné dans différents pays, jusqu’à ce qu’il s’établisse définitivement à Leuberg où il devait finir sa carrière, d’une façon dramatique, comme chaque acte de sa vie.

Luther Howinstein fut sans contredit la figure dominante de la seconde révolution, la seconde terreur. Dans le secret, il y travailla, la prépara, la trama. Comme von Buelow, Howinstein était un jeune homme. Il avait à peine trente ans. Taillé en hercule, les traits irréguliers et énergiques, les yeux d’un gris presque blanc, il dégageait de sa personne une force terrifiante. Brutal dans ses manières, violents dans ses paroles, il avait fait siennes toutes les passions, et travaillait à les satisfaire avec acharnement. Homme du peuple, il avait des goûts de grands seigneurs. Il s’habillait avec recherche, une recherche qui ne parvenait pas à receler ses origines plébéiennes. Il manquait de goût, de mesure. En tout, il était excessif.

Une intelligence supérieure le servait, doublé d’un talent d’orateur fougueux, âpre. S’il ne plaisait pas, il en imposait. Avocat de son métier, spécialisé dans les matières criminelles, il affectait la société des voleurs, des bandits, des êtres louches comme il cherchait à s’immiscer dans le beau monde.

En cela, il travaillait à ses fins, d’une manière calculée. Sa violence de tempérament ne l’empêchait pas de raisonner à froid, et de calculer ses actes en les coordonnant en vue du succès.

Le maréchal Junot, était une de ses créatures. Il avait conquis tous ses grades, les uns après les autres, en servant sous Albert Kemp. En réalité, il étudiait, observait les événements et les hommes, pressentant que son heure viendrait.

Nous voilà prêt maintenant pour le grand acte. Avant de tracer un tableau aussi fidèle que me permettent mes renseignements, complétés de déduction, de l’état de l’Uranie je me permets la fantaisie d’un intermède, de laisser tomber le rideau et de retourner au lendemain de l’abdication du roi à la demeure des von Buelow. Insensiblement, je reprendrai la marche des faits pour en arriver à ce moment précis où un homme vit la minute la plus tragique de son existence et qui oriente désormais toutes ses pensées comme aussi toutes ses actions.

Comme encore une fois, je ne suis qu’un reporter, je n’essayerai pas de me perdre en des considérations psychologiques ou physiologiques ou philosophiques des mobiles humains. Je laisse cela aux romanciers professionnels…

Je n’invente rien, je ne mêle rien, je ne noue rien. Je me laisse emporter par le courant de mes souvenirs, coordonnés le mieux que j’ai pu, avant d’en arriver au dénouement que je connais depuis hier.

Une lettre des États-Unis, d’une petite ville d’un état du centre m’apprend la rencontre de deux hommes, puissants et forts tous les deux. Cette rencontre termine mon récit

J’ai reçu également l’autorisation d’utiliser mes notes comme bon me semblerait et de les publier si je le désire. Il n’y a qu’une condition : respecter la vérité, la vérité toute nue, toute crue.


X


Le curé de X… célébra la cérémonie. Le mariage fut très simple. Le père de Natalie lui servait de témoin ; l’intendant des von Buelow accompagnait Herman.