Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/111

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passions populaires… il fait miroiter les beautés d’un âge d’or, suscite l’appât du luxe, fait un parallèle entre la vie du prolétaire et celle du capitaliste…

Sa voix devient haineuse, son débit incisif. Il sème les ferments de haine qui demain feront germer une moisson de désordre.

Et l’auditoire l’écoute, et l’auditoire tressaille, et l’auditoire déteste.

Les instincts mauvais sont réveillés dans une ébullition de passion.


Henri Roberge, l’ingénieur en chef de toute l’entreprise est demeuré chez lui, comme chaque soir, depuis qu’il est marié avec Suzette Bertrand, la jolie fille de Macamic.

Un bungalow de bois écorcé, un peu retiré du village, avec une vérandah qui donne sur le lac, l’abrite, lui et son bonheur.

L’intérieur est propre, coquet. Un boudoir simplement meublé mais avec goût, une lampe à pétrole sur une table, recouverte d’un abat-jour, une berceuse où il est assis.

Il feuillette dans les journaux arrivés du matin, les dernières nouvelles, vieilles déjà de plusieurs jours.

Suzette s’approche. Il interrompt sa lecture. Elle s’assied près de lui, sur un tabouret. Longuement, il caresse les cheveux soyeux.

— À quoi penses-tu ?

— Qu’on a toujours tort de se désespérer, que la vie est bonne et que je t’aime.