Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/144

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Parfois une phrase banale échappe qui retombe dans le silence ému de la minute d’avant.

Est-ce parce qu’il la voit seule et que la campagne autour de lui influe sur ses pensées, Pierre, à mesure qu’il contemple la jeune fille dont le visage s’encadre mieux dans ce décor de fraîcheur et de verdure, se demande s’il est bien sûr de son cœur, si c’est bien Germaine Noël qu’il aime toujours, ou si en continuant de la chérir il ne fait qu’être fidèle à l’impression première reçue en la voyant.

Cet être de candeur, le trouble. Est-il sûr de son cœur ? Ne s’est-il pas trompé sur son choix ? Il aime bien Germaine. Celle-là aussi, il l’aimerait. C’est comme s’il porte deux cœurs en lui.

Le silence le gêne subitement. Il cherche quoi dire, par besoin de le rompre. Ce silence parle pourtant. Il dit bien des choses qu’on ne dirait pas à voix haute. C’est pour cela qu’il veut le briser… parce qu’il parle.

Son langage l’intimide ; son langage l’émeut.

— Mademoiselle Claire…

Il s’arrête et la contemple, plongée dans une rêverie vague. Ses beaux yeux bleus sont comme repliés sur elle-même.

— À quoi songez-vous, mademoiselle Claire ?

— À ce que disait votre ami : Que l’oiseau bleu passe à portée de la main. Vous savez pour nous… l’oiseau bleu… c’est le Prince Charmant.