Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/145

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— L’avez-vous déjà rencontré votre Prince Charmant ?

Quelques fois…

— Il est beau ?

Candidement, avec un sourire chaste, elle lui répond :

— Il vous ressemble.

Elle a envie de lui crier : « C’est vous ». Mais ses yeux, à défaut des lèvres, le proclame.

Le silence retombe entre eux.

L’eau change de couleur ; elle devient rougeâtre, sanguinolente. Les branches des arbres sont découpées dans de l’or.


Dans la veillée, lorsque l’ombre eut commencé d’envahir la campagne, confondant les arbres et le sol dans une même couleur uniforme et grise, invités et hôtes, s’installèrent dans le living room, meublé antiquement pour convenir avec le style du logis. Pauline, à qui on vient d’en faire la demande, interprète au piano le Rêve d’Amour, de Litz, aux notes graves et mélancoliques, où circule par endroit un souffle de passion.

Elle imprime à son jeu une vérité et une ferveur saisissante. Tout l’amour débordant qui l’oppresse elle le confie au piano. Elle joue pour lui, rien que pour lui.

Une lampe, à abat-jour verdâtre, répand, dans la pièce, une lumière diffuse.