Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/54

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à l’huile, lacées jusqu’aux genoux ; culottes d’étoffe épaisse, de toutes les couleurs, jaunes, grises, nankin ; chemises négligées de flanelle et de drap, ils ressemblent à ces pionniers d’autrefois qui revivraient en eux, oublieux de l’âge plat des habits étroits et des pantalons fourreaux, oublieux du continent américain si prosaïque souvent de par ses mœurs sans poésie, sans cachet, sans originalité. La plupart, superbes de taille, découpés en athlète, ils ont dans la figure un caractère spécial où, à côté du mâle, de l’homme puissant et fort on découvre l’enfant que demeure celui dont la grande Nature est la compagne habituelle.

Le soleil achève de descendre. Il n’est plus qu’un demi-cercle sanguinolent. Au-dessus des tons jaunes vifs, puis orangés puis violacés puis mauves se fondent et s’estompent pour se perdre dans du bleu, qui, insensiblement, à mesure que s’accentue le déclin du jour, tourne au noir.

Un vent frais passe dans l’air que les forêts prochaines ont vivifié.

C’est le silence des choses où l’on n’entend plus le bruit tout de stridence du progrès ; pas d’usines aux alentours ; pas de maisons où vivent des êtres humains, entassés ; plus de tramways, plus de trompes d’autos. Seuls des bruits de voix, et aussi, bien faible, celui des branches qui jouent. Devant ce soleil qui s’en va en étalant, par un geste ultime de coquetterie, une splendeur que jamais aucun peintre, faute de couleurs, aucun écrivain, faute de mots, n’a pu traduire, Faubert, heureux