Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/55

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de changer de vie pour quelques jours, respire largement. Sa poitrine se gonfle sous l’empire d’un bien-être physique. Il ne pense pas. Il jouit de la minute présente. Il regarde évoluer et discuter tous ces hommes qui vont hiverner dans la forêt, et songe à la vie large qu’ils vivront ces quelques mois, astreints à un travail intense qui décuple les muscles et repose le cerveau.

Beaucoup sont gris comme c’est la coutume avant de se rendre aux chantiers. Pourquoi les en blâmer. L’ivresse leur fait paraître plus joyeuses les heures du départ ; elle efface la tristesse inhérente à chacun d’eux.

Le sifflement d’une locomotive se fait entendre. C’est le « National » qui entre. Des hommes en sortent à la hâte, « lumberjacks » eux aussi, venus de Québec et des alentours, qui vont se restaurer au buffet de la gare.

Un son de cloche, un dernier appel et tout ce monde s’empresse de remonter.

Un jet de vapeur dans un cri prolongé… le train s’ébranle en haletant.

Dans les montagnes qui avoisinent les arbres sont de toutes couleurs et se nuancent de bleu et de gris sous les feux de la lumière mourante.

Pour la première fois, depuis le départ, Roberge brise le silence.

— À quel endroit me mènes-tu ?

— D’abord à Amos.

— Ensuite ?

— Ensuite nous visitons la région pendant une semaine. Je te laisse là. Tu examines le pouvoir