Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/56

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d’eau du lac Chabogama sur la rivière Bell. Tu m’envoies ton rapport et tu attends mes ordres.

— Et toi ?

— Moi ? Je continue ma route par Cochrane et North Bay. Je visite en chemin quelques pulperies et je conclus quelques arrangements avec leurs directeurs. Je voudrais si possible, contrôler toute la production du bois en Abitibi… Demain nous serons à Villemontel où il y a un écorceur à vendre. Villemontel est voisin d’Amos. Et on me dit qu’il va s’y couper près de 30,000 cordes de bois cet hiver. Ce serait une bonne affaire si j’achetais cet écorceur. Nous verrons ensuite Lapierre, mon agent, qui demeure à Macamic.

Le train file, file, file. Au dehors on ne distingue plus rien si ce n’est la masse sombre des montagnes rocailleuses, et plus loin, une fois La Tuque passée, le reflet de la lune sur le Saint Maurice.

Dans le wagon d’en avant, « le char des colons, » on chante. La « musique à bouche » sert d’orchestre. Parfois quelqu’un danse une gigue.

Parfois aussi, il arrive qu’échauffés un peu trop par l’alcool quelques uns en viennent aux coups. Les autres les regardent faire quand ils n’entrent pas dans la mêlée. Une oreille déchirée, un œil noirci, un nez qui saigne sont les résultats de ces échauffourées. Elles recommencent souvent quelques minutes plus tard pour se terminer par des libations communes. « Se faire les bras » est une chose fréquente. C’est presqu’un sport.

Le cahotement des roues sur les rails et le bruit régulier qu’elles font, amènent le sommeil qui engourdit l’ambition de Faubert et le chagrin de Roberge.