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Page:Paquin - Jules Faubert, le roi du papier, 1923.djvu/62

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quelqu’un, d’égaler, lui, canadien-français, dans le domaine de l’argent, ses compatriotes d’autres langues ; un amour de sa race sans ostentation, sans jactance, qui le faisait souffrir du préjugé de notre infériorité commerciale ; un besoin d’action, d’action violente qui le faisait presque se pâmer d’aise dans l’accomplissement de choses difficiles ; une force impatiente de se dépenser ; le pouvoir de créer quelque chose d’utile à la collectivité avec l’argent irrésistible, de développer le niveau moral et intellectuel des siens parce que sa fortune qu’il veut immense lui permettra des dons onéreux… Tout cela constituait le faisceau des causes de son ambition, et ce faisceau était lié solidement par ceci, qu’il cherchait, en concentrant ses efforts sur un autre but, à oublier le seul déboire de sa vie : son expérience avec les femmes.

Au fond de lui-même s’il avait bien voulu s’étudier, il aurait vu qu’il aimait encore Pauline Dubois. Mais cela jamais on ne le lui ferait admettre. Un meneur d’hommes, un capitaine de dollars, soumis au charme d’une femme ! Impossible ! Bebète ! Bon pour d’autres !

La température froide du matin s’est adoucie. Un soleil d’hiver, un de ces soleils clairs dont la lumière baigne le paysage, brille dans un ciel absent de nuage. L’air est sec. Le Mont Tranquille tout blanc autour des taches sombres qu’y font les chicots calcinés et les sapins repoussés semble un immense diamant dans l’écrin bleuâtre des montagnes, au loin.