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En voulez-vous la preuve ?

Supposons un instant qu’un cataclysme anéantisse la race canadienne tout entière, ne laissant subsister que sa production intellectuelle.

Que resterait-il de nous ?

Que resterait-il de nous dans un siècle, dans deux siècles, dans trois siècles ?

Quelle est l’œuvre assez puissante qui narguerait le Temps, pour se dresser dans l’avenir comme le monument impérissable du génie d’une race ?

Pourtant, le fait de naître d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique n’est un obstacle ni au génie ni au talent.

D’où vient alors que la place que nous occupons dans le monde littéraire soit si petite, si infime qu’elle justifie mon assertion ?

D’où vient que nous n’ayons ni romanciers, ni dramaturges, ni poètes dont les œuvres réunies en faisceau forment un ensemble que l’on puisse qualifier de littérature nationale ?

Les matériaux manquent-ils ? Des étrangers comme Louis Hémon, Constantin Weyer, Poirier, T.-F. Rouquette, Oliver Curwood et autres ont puisé chez nous les sujets d’œuvres magnifiques.

Les bonnes volontés manquent-elles ? Je ne crois pas. Comme les bonnes intentions, il y en a suffisamment pour paver les rues de Montréal.

D’où vient, encore une fois, que le Canadien, peuple vigoureux et jeune, débordant de vitalité, pris comme entité littéraire, ait si peu et d’une façon si imparfaite extériorisé de ses impressions, de ses coutumes, de ses aspirations ?