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Le nationalisme, c’est de l’orgueil collectif. Il s’étaye sur un sentiment de fierté nationale qui pousse à la conquête de la gloire.

C’est en cultivant notre nationalisme que nous atteindrons la plénitude de notre valeur.

De même qu’en musique, la note Do est toujours identique, mais que le timbre en varie selon qu’elle est rendue par tel ou tel instrument, piano, violon, flûte ou cornet, de même les sentiments et les passions qui agitent l’âme humaine ont des nuances différentes selon qu’ils extériorisent chez tel ou tel peuple. Un Russe, un Allemand, un Français, un Anglais n’éprouveront pas les mêmes réactions.

C’est là, en raccourci, l’origine des littératures.

* * *

Le fait de parler et d’écrire en français est-il un empêchement à la nationalisation de notre littérature ?

Non. Pas plus chez nous que chez les Belges, ni chez les Américains, le fait d’écrire en anglais, ni chez les Brésiliens et les Argentins, le fait d’écrire en espagnol.

La langue n’est que le véhicule des idées. Ce qui importe, ce qui demeure, c’est le fond. Verhaeren et Rodenbach, tout en écrivant en français, demeurent foncièrement belges par la qualité de leur inspiration. Mireille, de Mistral, traduit en n’importe quelle langue, demeure un chef-d’œuvre provençal.

Vouloir que notre littérature soit partie intégrante de la littérature française, c’est prêcher une mauvaise doctrine, comme c’est faire fausse route et retarder notre avancement que de vouloir faire de nous des Français. Nous n’avons presque plus de français que la langue.