Page:Paquin - Le nationalisme intellectuel, 1930.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

de nos droits qui s’appelait « Ligue d’action française » et qui publiait une revue, l’Action Française.

Et combien d’autres exemples je pourrais citer. Pourtant nous n’avons pas à rougir du mot « Canadien »…

Mais c’est surtout dans les manifestations extérieures de la pensée telles que journaux et revues que notre manque de nationalisme est le plus apparent et le plus nuisible à la création d’une littérature canadienne et qui soit l’expression de notre entité ethnique. Le docteur E. Choquette, commentant dernièrement dans La Presse la politique du magazine américain Liberty d’offrir $100 dollars pour un conte pouvant tenir dans l’espace d’une page, faisait cette réflexion que si le lecteur crée l’écrivain, il est aussi vrai de dire que l’écrivain crée le lecteur. Si les écrivains canadiens avaient une facilité plus grande de se produire, ils créeraient finalement chez le public un goût plus accentué pour les choses de chez nous. Voilà un domaine où notre nationalisme peut cesser de demeurer théorique pour devenir pratique.

Si nos diverses publications, au lieu de ne servir à leur clientèle que de la reproduction étrangère : traductions d’articles déjà parus dans les revues américaines, ou contes fournis et publiés en vertu d’un contrat avec une société française s’alimentaient chez nos écrivains, un grand pas serait accompli en vue de briser nos servitudes littéraires et les lettres canadiennes éprouveraient un regain de vitalité.

L’écrivain, romancier, poète, critique, ne vit pas seulement de l’air du temps ; il lui faut comme le commun des mortels se procurer le vil métal, s’il veut sustenter sa vie. Or le débouché est restreint où il peut écouler le produit de son travail. Il est donc obligé de se livrer à une besogne plus payante, ne maniant la plume et ne taquinant les muses qu’à ses moments perdus. Toujours se