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Page:Paquin - Le nationalisme intellectuel, 1930.djvu/21

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Une connaissance plus grande de notre histoire, de notre vie nationale, politique, économique et artistique, un amour plus grand de notre seule et unique patrie, le Canada, créerait le désir d’atteindre enfin dans le monde littéraire et artistique un rang honorable.

Conscients de notre valeur et de nos forces, ne courbant la tête devant personne, regardant les autres races non comme supérieures mais comme égales, nous verrions poindre le jour où nos écrivains, n’étant plus esclaves de la culture française, mais adaptant cette culture à notre tempérament, feraient naître la moisson intellectuelle qui annoncerait au monde qu’il y a un pays canadien, un peuple canadien, une littérature canadienne et que cette littérature est l’expression de l’âme même d’un peuple qui a son originalité propre. Notre littérature doit être nationale par son esprit qui sera l’esprit de la race.

Racine écrivant Phèdre a dû rester français comme Shakespeare, Goethe et Tolstoï traitant le même sujet seraient demeurés Anglais, Allemand ou Russe.

Il faut laisser agir ce qu’on peut appeler les grandes pressions, ne pas s’y montrer réfractaires.

Ces grandes pressions, elles nous viennent de l’histoire, de la nature, du pays.

C’est le pays qui nous façonne ; c’est la nature et l’éducation qui créent l’âme, la sensibilité.

Il faut s’imprégner de la beauté des choses qui nous entourent, du coin de terre où nous avons grandi, vécu, aimé et souffert, laisser s’accomplir le travail mystérieux que l’âme même du pays opère dans les cerveaux et les cœurs.