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Page:Paré - Lettres et opuscules, 1899.djvu/40

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lettres

ne voit que les pâles silhouettes d’employés, courbés sur les livres et dressant fiévreusement de longues colonnes de chiffres, ou bien une affiche annonçant un immense sacrifice. Il est à remarquer que, dans le monde commercial, on a un amour un peu exagéré pour le sacrifice. Au moindre événement, un déménagement, la réception de marchandises par exemple, on se croit obligé de faire quelque grand sacrifice.

Au-dessus de cette foule compacte qui s’agite, se penchent les vieilles maisons, creusées par la pluie, noircies par le temps, avec leurs fenêtres semblables à autant d’yeux curieux et énormes.

Elles semblent se pencher ainsi les unes vers les autres pour causer et rire de tout ce tumulte. C’est qu’elles en savent long sur la vie et les hommes, ces vieilles masures. Combien de gens n’ont-elles pas vus, saisis par la fièvre de l’ambition, séduits, entraînés par le miroitement de l’or et les riants fantômes de la fortune, se jeter dans le tourbillon dévorant des affaires, jeunes d’abord, rieurs et confiants,