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N’importe, donnons des chiffres : j’ai pris la peine d’abattre moi-même de ces arbres gigantesques afin de les mesurer en long et en large. J’ai trouvé des épinettes parfaitement saines portant 90 à 110 pieds de long, comptant à la souche 37 pouces de diamètre et ce n’était pas là les plus grosses. J’ai également abattu et mesuré des liards de 24 pouces de diamètre jusqu’à 20 pieds du sol et portant 90 pieds de longueur.

Comme on le sait, il n’y a pas de pin dans ces contrées. Mais l’épinette blanche et le liard ne sont pas non plus à mépriser, surtout quand ils atteignent des dimensions aussi colossales et que sur des centaines de milles en superficie, ils recouvrent le sol, drus et serrés comme les brins de chaume dans un champ de blé. Quelles réserves pour l’avenir si notre Gouvernement veut en tirer parti !

Dans cette fertile région croissent aussi en abondance le cèdre et le bouleau blanc ; ces derniers surtout dépassent en grandeur tout ce que j’ai vu de plus beau dans cette espèce sur la Rivière Ottawa. Le frêne et l’orme se montrent aussi avec avantage en plusieurs endroits principalement sur le bord des rivières.

La Rivière Frédéric.

J’admire pardessus tout cette embouchure de la Rivière Frédéric qui vient gracieusement mêler ses ondes avec l’Abittibi. On dirait que de cette union jaillit un principe vivifiant de force et de fécondité. La terre y a soif de produire et pas un pouce n’y a la permission de rester oisif. Du sommet des grands arbres jusqu’à la surface de l’onde la verdure s’enroule en moëlleux festons et retombe comme les flots arrondis d’une cascade. Il n’y a pas jusqu’aux petites îles qui ne s’enveloppent tellement dans leur manteau de feuillage qu’on les prendrait pour des corbeilles de fleurs flottant à la dérive.

Une telle exubérance de végétation demande évidemment pour se produire un climat en harmonie