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LE THÉATRE D’HIER.

rine[1] frappée sans recours, n’a-t-on pas le droit de dire, malgré l’inégalité de la faute, que c’est une justice hallucinée ou impulsive qui pardonne et qui frappe, le sophisme exaspéré de la Foi qui rend ces arrêts, tout le contraire de la Foi naïve et douce, qui s’est insinuée en nos cœurs, à l’école du prêtre, au catéchisme, au confessionnal, que nous fréquentions petits enfants ? Ces contradictoires et brusques sanctions m’effarouchent et ne laissent en moi qu’une impression désolée d’éloquence scolastique et tendue, qui, pareillement sûre de soi dans la thèse et l’antithèse, manierait la parole de Dieu et compromettrait le dogme avec l’enthousiasme déclamatoire d’un rhéteur habitué à la controverse. « Il m’a semblé tout à coup, dit Claude, que vous me donniez l’ordre de substituer ma justice à votre justice, et d’armer ma main de votre glaive redoutable. Me suis-je trompé, mon Dieu, ai-je empiété sur vous[2] ? » Est-ce un chrétien, mes frères, qui ose parler ainsi, face à face avec Dieu, et n’entendez-vous pas l’autre langage de Celui qui s’offre en sacrifice pour racheter les fautes et non pour les frapper ?…

La parole de l’Évangile est humble et charitable, et non pervertie par le raisonnement. Claude l’ignore, Mme Aubray elle-même la méconnaît. Que le drame qui porte son nom, soit construit et conduit à merveille ; qu’allégé des sermons qui s’y espacent et des prétentions qui s’y étalent, il mette en lumière un cas de conscience pathétique et développé de quel tour de main ! encore une fois, cela n’est plus en question. Faut-il dire que le quatrième acte est en soi un chef-d’œuvre, et vaut une belle tragédie ? J’y consens, d’autant plus volontiers que ce drame est proprement une tragédie en prose, du genre sacré ; mais chré-

  1. Monsieur Alphonse. — La Femme de Claude.
  2. La Femme de Claude.