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LE THÉATRE D’HIER.

neutre, la république fermée de leurs mesquins défauts, ils continueront à se modeler sur les originaux, qui lancent le ridicule du jour, mettant en commun et presque en régie leurs travers, même passagers ; et comme le cercle est à mi-chemin entre le salon et le boudoir, ils alterneront, quelque temps encore, de l’un à l’autre, exposés par une naturelle distraction, à réciter des phrases galantes aux pécheresses, qui s’y plaisent, et à déclarer leur « béguin » aux comtesses, qui s’y feront. D’où il apparaît que les hommes du monde n’offrent guère à l’observateur que des travers sans relief ou d’une banale actualité.

Les femmes, au contraire, absorbent en elles tout l’intérêt de la comédie mondaine. D’abord elles portent un air de victimes mal résignées, qui attire le regard et appelle la sympathie. Que de veuves désabusées et défiantes, d’épouses inquiètes ou délaissées, quand elles ne sont pas séparées, dont les craintes ou les désillusions, en justifiant toutes les espérances, encouragent toutes les entreprises ! Quant à celles qui ne sont ni séparées, ni désabusées, elles luttent contre les rivales qu’elles devinent, et se lancent dans le mouvement moderne avec crânerie, de tous leurs nerfs. Elles n’ont pas de cercle pour combattre l’ennui, calmer les appréhensions, ou dissiper le cœur. Aux unes il faut le subtil remède d’une psychologie troublante ; et leur éducation est bientôt refaite ; d’autres, plus rassises, trouvent dans les intrigues littéraires ou politiques un suffisant dérivatif ; plusieurs enfin s’engagent sans conviction dans une partie, où elles risquent leurs réserves de sentiment, contre des joueurs, qui tirent l’amour à cinq, exempts d’aucune émotion fâcheuse. Et tout cela est d’un comique assez relevé, comme il arrive toutes les fois qu’un être, doué d’intelligence et de raison, s’efforce à l’erreur ou se contrefait jusqu’au ridicule, sous le prétexte qu’il faut hurler avec les loups ; et que, malgré tous ses titres, noblesse, éducation, fortune,