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LE THÉATRE D’HIER.

bonne compagnie, et les peignit de couleurs discrètes.


II

LE DRAMATURGE ET LE PSYCHOLOGUE.


Il ne faut demander au monde que ce qu’il peut donner. On voit d’ordinaire que, par une loi d’universelle compensation, les idées fécondes sont les trouvailles de la misère, les aubaines du génie affamé, qui braconne et prend les inventions à la pipée. L’atmosphère des salons est un peu tiède aux poussées de sève des plantes vigoureuses. Mais, en revanche, nul milieu n’est plus favorable aux natures distinguées et déliées, qui spontanément y prospèrent en un discret épanouissement. L’esprit de finesse y est dans l’air. Ce qu’exige d’industrieuse subtilité l’élaboration des petites fêtes et des petites intrigues, on ne s’en saurait douter, à distance, ni combien aux jeux innocents se prodiguent les intentions ingénieuses et raffinées. Tout n’en est point perdu. De temps en temps naît un Marivaux ou un Pailleron, qui, doué d’un naturel talent, et avec un bagage de connaissances plus solides, croît parmi ces minutieuses gentillesses, et en fait instinctivement son profit.

« J’ai pris, dit la Préface du Monde où l’on s’ennuie, dans les salons et chez les individus, les traits dont j’ai fait mes types. Mais où voulait-on que je les prisse ? » Nulle part ailleurs, en vérité, puisque c’était pour M. Pailleron le terrain le plus commode à ses facultés d’artiste, et le plus conforme à ses goûts. Du monde il a l’ingéniosité, qui est la propre marque de sa fantaisie. Ingénieux, il l’est par un penchant de nature dans sa