Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
LE THÉATRE D’HIER.

III

HOMMES ET FEMMES.


Donc c’est un fait accompli. Les hommes du monde, les plus jeunes surtout, s’ennuient. Ils font le tour des salons, parce qu’il y faut paraître ; ils viennent et ils s’en vont ; ils reviennent, et ils ont hâte de s’échapper. À ces aimables sceptiques, qui dès l’âge le plus tendre s’exercent à prendre un genre, il faut de la sincérité ; ils en veulent à tout prix : devinez où ils la cherchent. Assez du monde, et de ses grimaces, et de ses hypocrisies, et de ses belles manières, qui manquent de saveur et de vérité. Assez cloîtrés dans les exigences de l’éducation. Autres temps, autres mœurs : le vrai monde est où l’on s’amuse. Tordez-les, pressez-les, comme dit l’autre : ils dégouttent l’ennui, et meurent du désir de s’encanailler. « Ah ! mais non, j’aime mieux la mauvaise compagnie, je dis la très mauvaise. Au moins, là, on dit ce qu’on pense, et on fait ce qu’on dit. Et si on rit, c’est qu’il y a de quoi. » Un seul a fait une retraite à la campagne, pendant le premier quartier, et, avant le dernier, il bâille comme les autres, déjà.

M. Pailleron est impitoyable. Tous les jeunes premiers de son théâtre se ressemblent, tous insignifiants, depuis les deux nouveaux valseurs de Mme de Bryas, à peine échappés du collège, en passant par Gaston de Viret, Georges de Pienne, jusqu’à Roger de Céran, mon Dieu, oui, sans oublier Raoul de Giran, presque son homonyme, le capitaine à l’étincelle. Dans le monde, ils ne savent même plus conduire leurs affaires sans aide, ni pousser le sentiment ; ils ont besoin de l’appui complaisant d’une sœur ou d’une tante pour mener à bien leurs aventures. S’agit-il de rompre une liaison passa-