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LE THÉÂTRE D’HIER.

drame, mais propre à contenter cet intermittent désir de curiosité malsaine qui sommeille au fond des plus honnêtes gens, et à leur donner ce petit frisson très particulier, dont se sentent saisir, à une certaine heure de nuit, dans le voisinage des endroits équivoques, les gourmets de la « vie intense ». N’y a-t-il point là une jeune veuve qui veut voir cela, ne fût-ce qu’une demi-heure ? Je le répète, la pièce se passerait aisément de ce prologue ; mais quelle perte pour la chromolithographie et les journaux illustrés !

Je m’en voudrais de rien exagérer. Mais il est véritable aussi que l’imagination de M. Sardou empiéta toujours davantage. Le premier acte de Daniel Rochat se recommande aux connaisseurs. Si la comédie avait pu être sauvée, elle l’eût été par le poêle de Ferney. Et même, si parmi ce nombre considérable d’ouvrages divers quelque évolution se dessine, c’est assurément celle d’un goût de plus en plus marqué pour l’art du décorateur, la recherche du spectacle, et la grandiose érudition des tableaux.

« J’optai pour Sienne, écrit l’auteur dans la préface de la Haine. Cette ville montueuse, ces ruelles étroites, ces costarelles bordées de murs sinistres, et commandées par ces tours que tout Siennois avait le droit d’élever après une action d’éclat, et qui se trouvèrent un jour si nombreuses, qu’il fallut en raser les trois quarts !… tout cela garde à tel point, aujourd’hui même, sa vieille figure d’autrefois, que mes décors semblaient tout placés, et n’attendaient plus que l’entrée de mes personnages. »


Et peut-être n’est-il pas inadmissible que, bien avant Théodora, M. Sardou ait pensé ouvrir les voies au théâtre de demain, régénéré par le mélodrame féerique et la féerie archéologique. Où l’imagination est souveraine, les machinistes occupent les premiers emplois.

Dans la même préface, l’auteur a livré au public le secret de sa pensée. « J’ignore comment l’idée dramatique se révèle à mes confrères. Mais pour moi le procédé est invariablement le même. Elle ne m’appa-