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ÉMILE AUGIER

en soi, s’il s’agit des pièces en prose, donne l’idée la plus approchée de la facture des pièces en vers. Si l’on excepte Diane et Paul Forestier, qui témoignent d’influences plutôt combattues que subies, le dramaturge relève de l’école classique, non pas celle de Ponsard ou de Legouvé, mais de Regnard et de Molière. Il travaille sous leur buste. A peine met-il à profit les progrès réalisés par Beaumarchais. L’intrigue se complique discrètement, se démêle avec aisance, sans recherche d’habileté. Des romantiques il ne retient presque rien. La couleur locale s’efface. Même, le plus souvent, il n’excède guère ni l’unité de lieu ni celle de temps. Gabrielle se développe en l’espace d’un jour ; la Ciguë et Philiberte pareillement ; et pour les autres, à peine songe-t-on à demander l’heure ou s’aperçoit-on du changement de décor. Sa fantaisie a d’autres matières où s’exercer. C’est que, même en vers, Émile Augier est admirablement maître de son sujet, que, fidèle à la formule classique, il serre de près la crise, en prépare et développe les situations avec sobriété, par une composition serrée, non pas tendue, en une trame ingénieuse et claire, sans festons ni inutiles broderies. Dans Philiberte, qui est la plus réussie de ses pièces en vers, on ne trouverait peut-être pas une seule liberté prise avec les règles et les traditions. L’époque même, choisie par l’auteur, donne à l’œuvre un air de classicisme élégant et poudrederizé. La pièce se passe en Dauphiné, au château de Grandchamps, vers 1775. Le salon est Louis XV, et par les portes du fond on aperçoit un coin de parc à la Watteau. A peine un détail romantique, un duel rapide, sans témoins, entre deux scènes, au bout du jardin, qui dure juste le temps d’aller, de mettre un bras en écharpe, et de revenir. Tout le reste n’est que spirituels entretiens, comme chez Célimène ou Marivaux. Il s’agit, en somme, d’éclaircir un point de psychologie féminine, qui est l’état d’âme d’une jeune fille, à qui vient la