Page:Paris, Paulin - Mémoire sur le cœur de saint Louis.djvu/47

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Note G.

À cette preuve de supposition, la plus forte de toutes, M. de Wailly répond que le procès-verbal des miracles avait été précédé de plusieurs autres informations. Mais Beaulieu parle ici bien nettement non pas d’information, mais de livre rédigé, de procès-verbal connu et réputé authentique. Or ce recueil fait sous les auspices de l’abbaye de St.-Denis ne fut publié qu’en 1283. « Ces miracles ont esté enquises solempnellement en l’abbeïe monseigneur saint Denis en France, par peres et seigneurs honorables Guillaume, arcevesque de Roen, par Guillaume, evesque d’Aucerre, et par Rolant, evesque de Spoleta, de l’autorité de la court de Rome, en tems de sainte memoire Martin le quart. Et fu commencée celle enqueste en l’an de l’inc. 1282 jusques à 1283. » (Hist. de France, t. XX, p. 122.) Nous prions d’ailleurs M. de Wailly de répondre aux questions suivantes :

1° Si Geoffroi de Beaulieu, mort en 1274, pouvait alléguer alors un livre fidèlement transcrit dans l’abbaye de Saint-Denis, et renfermant une série de miracles parfaitement prouvés, comment Nicolas III, pape de 1277 à 1280, déclarait-il que s’il connaissait deux ou trois miracles avérés de Louis IX, il le canoniserait ? « Ita erat nota sibi vita istius sancti, quod si vidisset duo vel tria miracula, eum canonisaret. » (Sermon de Boniface VIII, apud Duchesne, V, p. 484.)

Sous Martin IV, de 1283 à 1285, trois prélats désignés par le saint Siége interrogèrent des témoins et envoyèrent en cour de Rome le procès-verbal des interrogatoires qu’ils avaient fait subir. Ce procès-verbal, comme l’atteste Boniface VIII, ne peut remonter au temps de Geoffroi de Beaulieu, puisque Martin IV l’avait fait rédiger. Et d’ailleurs Boniface VIII n’ajoute-t-il pas : « Cum ante mortem Martini non fuisset facta relatio negotii, pervenit tandem ad tempora domini Honorii (1285 à 1289). Tunc lecta sunt plura miracula, et coram fratribus nostris cardinalibus diligenter discussa. »

2° Si dès l’an 1274 Matthieu de Vendosme, abbé de Saint-Denis, fit rédiger le recueil des miracles de saint Louis, comment les chroniques de Saint-Denis, faites sous les yeux du même Matthieu de Vendosme, disent-elles, sous la date de 1282 : « En cele saison commença saint Loys à faire miracles en France ? »

3° Si le livre de Beaulieu, rédigé par l’ordre d’un pape, fut réellement composé et achevé, si l’on y attachait une foi irréfragable, pourquoi Joinville ne l’invoque-t-il pas une seule fois ? Pourquoi le confesseur de la reine Marguerite, auteur d’une vie de saint Louis bien plus authentique, ne l’invoque-t-il pas une seule fois ? et, bien plus, pourquoi n’est-il pas cité dans la longue énumération faite par Boniface VIII de tous les moyens que la cour de Rome avait employés pour garantir la sainteté du roi, la vérité de ses miracles ? Un tel ouvrage, commandé par le saint Siége et rédigé par un témoin oculaire ne méritait-il pas la considération du saint Siége ? Cette dernière réflexion, me dira-t-on, porte atteinte à l’authenticité de tout l’ouvrage : mon Dieu, cela ne me regarde pas ; je ne me suis pas chargé de plaider la cause de Beaulieu.

4° Enfin, si le livre des miracles de saint Louis fut rédigé dès 1274, dans