Page:Paris, Paulin - Réimpression d’anciennes facéties.djvu/12

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de Charmoy eût été ligueur un tantinet. On en jugera par la citation suivante :


Et combien aux troubles derniers
Auons-nous veu de tels guerriers
Qui ont quitté charruë et serpe
Pour prendre l’espée et l’escharpe,
Ne me chant de quelle couleur,
Et ne scay qui fut le meilleur
Des deux partis. Fors que le Roy
L’a emporté, prenant la foy
De la saincte Église Romaine…
Et n’est-ce pas bien grand honneur
Au vigneron et laboureur
Estant endurcy à la peine,
Qu’il peut devenir Capitaine ?…


Le poète plaide ensuite éloquemment la cause des vignerons qui n’ont pas de vigne et travaillent pour les autres. Il voudrait que les riches augmentassent les salaires pendant les journées d’hiver, les pauvres d’Auxerre ne recevant alors que six ou sept sous,


Soux couleur qu’un mois ou deux l’an
Ils gaignent un peu. Mort d’Adam
Noz messieurs gaignent tous les jours
Bien plus sans peine, et ont tousiours
Quelque present de venaison
Qu’on leur apporte en leur maison.
Ils ne voudroient pas pour gaigner
Dix escuz, demy jour peiner
Apres la vigne : et veulent bien
Que les pauures soufrent la faim
Avec leurs femmes et enfans,
À leur besogne par les champs.


Ces réclamations ont un côté fort plausible. Seulement Louis de Charmoy, non plus que les socialistes modernes, ne nous dit pas comment messieurs payeraient les ouvriers, si messieurs n’avaient pas les meilleurs revenus. Chose singulière, d’ailleurs ! les mêmes plaintes seraient aussi justes aujourd’hui car la valeur relative de l’argent a diminué de plus de moitié, et la journée des vignerons en hiver varie, du moins en Champagne, de douze à quinze sols, ce qui représente un peu moins que les sept sous de l’année 1607. Le Monologue nous ménagera d’autres surprises. Vous n’avez pas oublié le vœu de Henri IV