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VOYAGE DE MORDRAIN.

les immenses richesses dont sa nef était remplie ; mais elle ne le décida pas à la suivre. Le lendemain, Mordrain, exténué de faim et de lassitude, vit assez près de lui un pain noir qu’il se hâta de saisir. Comme il le portait avidement à ses lèvres, il entendit un immense bruissement dans les airs, comme si tous les habitants du ciel se fussent réunis sur sa tête. Un oiseau des plus merveilleux lui arracha le pain des mains. Il avait la tête d’un serpent noir et cornu, les yeux et les dents rouges comme charbons embrasés, le cou d’un dragon, la poitrine d’un lion, les pieds d’un aigle, et deux ailes dont l’une, placée au haut de la poitrine, avait la force et l’apparence de l’acier, aussi tranchante que le glaive le mieux effilé ; l’autre, au milieu des reins, était blanche comme la neige et bruyante comme la tempête, agitant les branches des plus grands arbres. Enfin l’extrémité de sa queue présentait une épée flamboyante capable de foudroyer tout ce qu’elle touchait.

Les docteurs disent que cet oiseau apparaît seulement dans le cas où le Seigneur veut inspirer au pécheur qu’il aime une épouvante salutaire. À son approche, tous les autres oiseaux du ciel prennent la fuite, comme les ténèbres devant le soleil. Sa nature est de rester seul sur la terre. Ils naissent pourtant au nombre de trois et sont conçus sans accouplement.